Décidément, la mairie de Bon Temps avait fait un sacré bon boulot. Pour un premier Carnaval, l’évènement de la ville était plutôt réussi. Le défilé avait été festif, joyeux et enfantin, tout ce que l’on peut attendre de ce genre de manifestation. Le bal masqué ouvert à toute la population qui était censé être le clou de la soirée avait posé pas mal de problèmes à Reagan. Déjà s’était posée la question de savoir si elle s’y rendrait, mais elle avait toujours été du genre à apprécier les fêtes traditionnelles. Il lui faudrait simplement aller au-delà du fait qu’elle s’y rendrait seule. Ensuite, il y avait l’élément majeur : le costume. En arrivant dans la clairière encore peu fréquentée, la jeune métamorphe ne put s’empêcher de tirer sur sa jupette, tentant vainement de l’allonger. Quelle idée saugrenue lui était donc venue à l’esprit de choisir la tenue de pom-pom girl ! Peut-être que la raison la plus simple était la bonne : elle s’y était prise tellement tard, tergiversant trop longtemps sur l’opportunité de venir ou non à cette soirée, qu’elle avait dû choisir entre ça, et une combinaison de banane géante. N’empêche qu’elle se sentait sacrément mal à l’aise. Heureusement, un accessoire lui sauvait la mise : son masque.

C’était donc masquée que Reagan pénétra dans la clairière habilement décorée. D’un léger coup de main habile, la jeune femme fit osciller un lampion bleu pâle sur la branche à laquelle il était accroché. Amusée, elle en fit de même avec les suivants de la guirlande, jusqu’à s’approcher du buffet. Il n’y avait personne qu’elle connaissait pour le moment, elle en profita alors pour se servir un verre de ponche. Ses gestes furent maladroits, à cause de ce foutu masque. Elle le releva donc brièvement le temps de remplir sans verre pour ne pas en mettre à côté et le remit aussitôt sur son nez avant de se retourner. Reagan soupira un bref instant. Qu’est-ce qu’elle était venue faire ici ? Il n’y avait personne qu’elle ne fréquentait réellement à Bon Temps. Bon, c’était décidé, elle resterait une petite demi-heure pour faire acte de présence, puis elle rentrerait chez elle.

Tout doucement, les lieux se remplissaient. Après s’être servie du ponch, Reagan renvoya le sourire que lui adressait Lafayette, qui probablement ne devait pas savoir qui se trouvait sous ce masque. C’est du moins ce à quoi la jeune femme tenta de se convaincre. Pour le moment, elle avait de la chance, aucune trace de Sam en vue. Pourquoi donc pensait-elle à lui maintenant ? C’était bien la dernière personne qu’elle avait envie de croiser dans cette tenue… Et en même temps, qu’est-ce qu’elle était venue ficher ici vêtue en adolescente délurée alors que la fête se déroulait à deux pas de Merlotte’s ? Ah, pour sûr, Freud raffolerait de ce genre de comportement… La musique démarra avec l’arrivée de quelques invités importants, qui faisaient suite au personnel du bar, arrivés les premiers. Reagan put y reconnaitre, en plus de Lafayette, Sookie et Arlène, et la jeune femme sourit en voyant le fils de la rousse qui gigotait dans sa poussette, comme s’il voulait lui aussi danser.

L’arrivée de Bill Campton fit sensation, comme toujours. Accompagné par sa garde rapprochée, il était vêtu d’un costume de chasseur de fantômes, fort à propos, et quelque peu ironique quand on songeait à sa nature. Reagan sentit d’ailleurs ses narines frémir sous l’odeur particulière des vampires, bien qu’elle ne puisse le reconnaître de façon précise sous sa forme naturelle. Quand elle se transformait, tout était beaucoup plus facile. Néanmoins, elle pouvait détecter si son interlocuteur était un vampire ou non, et ça lui avait parfois bien servi.

Son verre toujours à la main, Reagan décida de s’isoler un peu du reste du groupe, une foule qui grossissait déjà, et qui atteindrait probablement la superficie de la clairière. Discrètement, la jeune femme passa sous les branches d’un saule pleureur pour retrouver une petite alcôve tranquille où elle s’imaginait pouvoir être seule. Manque de chance, Reagan se retrouva devant le seul banc qui devait être occupé. Une nouvelle fois, ses narines frémirent sous le délicat fumet de la sculpturale vampire qui se trouvait devant elle. Que devait-elle faire ? Rebrousser chemin ? Cette créature de la nuit pourrait fort bien mal le prendre. Et, quoique Reagan ne craigne pas plus que ça les vampires, elle n’avait nulle envie de se gâcher la soirée pour ça. Heureusement, le banc en bois étant long, Reagan alla donc s’installer sur son bord en lançant un poli :


« Si ça ne vous dérange pas… »